Entre Coup de Cœur et Coup de Trafalgar
Le Mystère de la Vente de l'Ex-Hôtel de Ville de Lavaur :
Ah, Lavaur ! Petite cité tarnaise où
le mélange des genres architecturaux semble être une discipline
aussi complexe que les arcanes de la politique locale.
Voici que se
profile une vente dont on parle déjà dans les couloirs du conseil
municipal, comme d'un mauvais feuilleton.
L’ex-hôtel de ville, cet
édifice qui jouxte la majestueuse cathédrale Saint Alain, est
sur le point de changer de mains, mais pas sans susciter quelques
interrogations teintées d'incompréhension.
L'ancien hôtel de ville
Petit rappel historique
Une Évolution Historique et Architecturale à Lavaur
La première maison des consuls de Lavaur, érigée avant 1500, était stratégiquement située dans l'îlot qui occupe aujourd'hui l'angle sud-ouest de la place des Consuls. Ce bâtiment, témoin des débuts de l'administration locale, a été reconstruit au début du 16e siècle sur ce qui est maintenant connu sous le nom de "plaço de la Peyro", ou place du Vieux Marché. Au fil des siècles, avec l’évolution des besoins administratifs et la croissance de la ville, cette structure devenue vétuste et trop exigüe a conduit les consuls à envisager un déménagement à la veille de la Révolution française.
Après avoir temporairement trouvé refuge dans les bâtiments de l'évêché, qui furent ensuite entièrement démolis, puis dans l'ancien collège des Doctrinaires, la municipalité de Lavaur a acquis en 1838 un hôtel particulier construit à la fin du 18e siècle. Cet édifice, selon les états de section de 1828, appartenait à Arnaud de Clauzade de Riols, juge de paix à Saint-Paul. L’hôtel se composait non seulement d'un bâtiment principal, mais également d’un jardin, de deux bâtiments annexes et d’une maison voisine avec sa cour.
Le 16 mars 1838, la transaction a été conclue entre Jean-Antoine Audouy, alors maire de Lavaur, et Arnaud Pierre Clauzade de Mazieux, agissant en tant que procureur de son frère Arnaud Gabriel Adolphe, également un juge. La vente s'est élevée à 28 000 francs, une somme considérable pour l’époque. Les premiers aménagements ont été confiés à l'architecte communal Jean-Joseph Debar. Dans les premières années suivant son acquisition, cet hôtel particulier a servi de tribunal civil, de prétoire, de mairie et de sous-préfecture.
L'organisation de l'hôtel particulier mettait en valeur la relation harmonieuse entre cour et jardin, un agencement qui a perduré jusqu'à l'aménagement du square Bressoles au nord dans les années 1940. Les plans dessinés lors de l'achat par la commune, ainsi que le cadastre napoléonien, témoignent de cette configuration originale. L'entrée dans la cour était située au sud, depuis la rue Saint-Alain, aujourd'hui connue sous le nom de rue de la Mairie, tandis qu’un jardin clos s’étendait au nord de l’édifice. Un porche à pilastres et entablement, inscrit dans un muret arrondi, marquait l’entrée sur la rue, invitant les visiteurs à pénétrer dans ce haut lieu de la vie administrative locale.
Architecturalement, l’édifice se compose d’un corps de logis flanqué de deux ailes perpendiculaires dédiées aux communs. Le logis, avec ses neuf travées sur trois niveaux, présente un rez-de-chaussée surélevé, abritant un niveau de cave à usage technique. L'accès s'effectue par l'ouest, menant directement à un escalier d'honneur, dont le garde-corps, caractéristique du 18e siècle, se distingue par ses arcades reliées par des liens élégants. À l'étage, les pièces sont desservies par un couloir central, assurant une circulation fluide au sein de l'édifice.
La façade nord, construite en briques apparentes, est rythmée par des modénatures raffinées tels que les encadrements de fenêtres, les pilastres et les cordons décoratifs. Les trois travées centrales sont particulièrement mises en valeur, couronnées d’un fronton triangulaire qui accentue la symétrie de la composition. En revanche, la façade sud présente un enduit sur ses parties courantes, laissant apparaître les éléments de modénature en brique. Dans certaines fenêtres, les vantaux d’origine à 14 carreaux par vantail ont été conservés. Les ailes des communs, quant à elles, arborent de larges arcades surbaissées, surmontées de frontons triangulaires côté rue, ajoutant ainsi une touche d'élégance à l'ensemble architectural.
En 2011, la mairie a déménagé dans l'ancien palais de justice, marquant un nouveau chapitre dans l'histoire de cet édifice emblématique. Aujourd'hui, la maison des consuls, avec son riche passé et sa belle architecture, demeure un symbole fort de l'identité historique de Lavaur, témoignant des évolutions sociales et politiques qui ont façonné cette ville au fil des siècles.
Indispensable de se rappeler ce qu'était ce bâtiment, mais aussi son environnement :
Nous voilà plongés dans un moment de
grande tristesse, non seulement pour la beauté architecturale que ce
bâtiment représentait, mais surtout pour l'inconsistance de nos
dirigeants face à son sort.
Alors même que des sommes vertigineuses
sont investies dans la restauration de la cathédrale, l'ex-hôtel de
ville semble bénéficier d'un traitement diamétralement opposé,
comme si, au pays de la République laïque, la religion avait plus
de poids que le bien public. Si la cathédrale est louée pour son
éclat gothique méridional, le lycée Las Cases, tout proche, lui,
n’échappe pas à la critique du maire, prompt à défendre un
conservatisme architectural déconcertant.
Dans sa vision étriquée,
mélanger le sabre et le goupillon serait un affront. Pourtant,
Amiens, en 1970, a démontré qu’un dialogue entre l’ancien et le moderne
était possible, offrant une leçon que Lavaur semble décidée à
ignorer.
Et que dire de cette cession ? Elle soulève des
questions comme un chemin vauréen après une pluie d’orage.
La mémoire collective vaurienne est en jeu, car l’ex-hôtel de
ville jouxte un espace de commémoration cher aux habitants.
Considérant que l'éventuel acquéreur envisage de rayer cet espace
des cartes, il y a de quoi frémir d’inquiétude.
Le
directeur des services, quant à lui, nous sert une comparaison tirée
par les cheveux avec sa précédente affectation à Nantua, où un
compromis fut trouvé.
Peut-être
aurait-il dû approfondir son analyse au lieu de nous asséner un exemple qui ne tient pas la route. En effet, pourquoi la dette
par habitant de Lavaur grimpe-t-elle à un exorbitant 3 000 €,
quand celle de Nantua se limite à 700 € ? On pourrait presque
penser que notre DGS s’est perdu dans les méandres de ses propres
propos.
Sur le sujet des modalités de vente, un petit point
non négligeable mérite qu’on s’y attarde. S’il est
réjouissant de constater que le RNU est référencée plutôt que le
PLU, cela fait réfléchir. S’agit-il d’un moment de lucidité
fugace de nos élus, ou simplement d’un autre coup d’essai ?
Pourtant, alors que l'estimation du bâtiment est de 398 000 €,
un acheteur aguerri se présente avec une offre de... 620 000 €.
Bien sûr, il a su prouver sa capacité à financer son projet,
pourtant, un léger parfum de mystère flotte autour de cette
soudaine générosité financière. Comment justifier une telle
plus-value sans concurrence ? Le maire parle de "coup de cœur"
de pari et de défi. N'est-ce pas un peu léger, voire carrément
suspect ?
Il est souhaitable que cet acquéreur, par ailleurs
bien ancré dans notre petit monde tarnais, cherche à présenter un
projet retravaillé au conseil municipal avant que le maire n’élabore
un autre achat impossible à justifier ailleurs que dans notre belle ville Lavaur.
D'autant que le montage du dossier s'est fait en 3 mois (13/03 - 11/06 en terme administratif !), ce qui prouve que l'acheteur n'attendait que cela ou que l'anguille sous roche est de bonne taille.
Et ces 222 000 € de différence ? Le fisc devrait y
porter un regard avisé, car il pourrait y découvrir des surprises croustillantes.
Au final,
alors que la vente de cet ex-hôtel de ville se profile, le récit de
cette saga vaurienne nous rappelle que l’urbanisme et la mémoire
collective ne se traitent pas d’un coup de baguette magique.
Plutôt
qu’un simple coup de cœur, peut-être faudrait-il un retour aux
préoccupations des citoyens. Ces derniers devraient être consultés,
car après tout, le cœur de Lavaur, ce ne sont pas seulement ses
pierres, mais aussi ceux qui y vivent.
En attendant, continuons à
observer ce spectacle fascinant et quelque peu désolant, où le
mélange des genres architecturaux rivalise avec l’ambiguïté des
intentions.
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